Témoignage d’une podologue travaillant en milieu hospitalier face au covid -19

Témoignage d’une podologue travaillant en milieu hospitalier face au covid -19

Je travaille à mi-temps dans 2 structures hospitalières différentes. Le CHIREC de Braine – L’Alleud attachée au service d’endocrinologie et au GHDC  St Joseph Gilly ou en plus des consultations dans le service d’endocrinologie, je fais partie 1 fois par semaine de l’équipe de la clinique du pied diabétique.
Dès le premier week-end, les 2 structures hospitalières ont rapidement pris la décision d’annuler toutes les consultations.
En contact avec les endocrinologues de la clinique du pied, il a été décidé de maintenir les consultations pour les patients urgents ou à haut risque. Il était évident pour nous, de recevoir ces patients afin d’éviter une détérioration trop importante de l’état des plaies en cours qui influerait automatiquement sur leur état général. Avec 2 conséquences majeures ; premièrement un risque d’une hospitalisation future non gérable pour le moment et deuxièmement augmenter leur risque face au COVID-19. Nous savons que l’hôpital est en train d’essayer de libérer au maximum les lits (en effet sur 250 lits, il ne reste déjà que 140 patients et ce en vue de se préparer à l’épidémie.)
En arrivant à l’hôpital il règne une drôle d’ambiance. Parking désert, peu d’activité et utilisation du badge pour entrer (une première en 15 ans). Dans les couloirs, tous les 10 mètres, les sas sont fermés (double porte battante). Encore le badge pour rentrer dans le service et… salle d’attente vide. Les patients attendus doivent utiliser l’unique entrée principale de l’hôpital, s’identifier et justifier leur présence. Le vigile nous contacte pour vérifier et laisser passer le patient.
Toutes les équipes sont réquisitionnées et redispatchées. Mesures d’hygiène strictes poussées au maximum mises en place. Les médecins, les infirmières et même les secrétaires ne se posent même pas la question sur le fait d’être présent ou pas. Pour tout le monde c’est un devoir essentiel face à la situation.
Les nerfs sont à vifs. Entre 2 consultations on discute ensemble (en veillant à maintenir les distances de sécurité) on est inquiet, il se murmure que 3 semaines de confinement ne seront pas suffisantes. Enervement d’apprendre que certains travailleurs qui eux, ne sont pas en première ligne face au virus, préfèrent ne pas prendre de risque : « nous on n’a pas le choix, c’est une évidence d’être là et on est en plein dedans » ;
En partant une médecin m’explique son angoisse par rapport à sa famille qu’elle mettra en danger tous les soirs en rentrant chez elle (2 enfants de 5 ans et 5 mois). Une solution serait de rester dormir à l’hôpital mais inenvisageable pour elle de ne plus voir ses enfants pendant 1 mois voire plus. Elle aura besoin de leur force pour tenir dans les semaines difficiles à venir.
J’ai vu cette semaine comme tout le monde les images de ces promeneurs dans les rues et les parcs… Certains ne semblent pas prendre conscience du danger.
Nous sommes face à un ennemi invisible mais qui peut tuer. Le personnel hospitalier se met en danger à chaque minute pour nous… La moindre des choses est de respecter leur don de soi en appliquant les mesures de précaution de façon drastique. Nous sommes chacun acteur involontaire dans cette épidémie, n’attendons pas qu’un proche soit atteint pour réaliser que ce virus peut-être partout. Face à ces personnes courageuses, héroïques, je culpabilise de ne plus travailler autant, de ne pas pouvoir les aider plus, même si essayant d’apporter ma pierre à l’édifice j’ai pris la décision
de recevoir dans mon cabinet privé les urgences des patients à risques afin de soulager les hôpitaux. Il me semble évident de soutenir et décharger ce personnel soignant exemplaire. Je me sens une responsabilité car j’ai choisi cette profession médicale. Il est cependant évident que malgré tout chacun de mes collègues agira en son âme et conscience, selon ses possibilités familiales et son facteur risques personnel.
En attendant je sors tous les soirs devant ma maison à 20 heure pour applaudir ce personnel qui se bat pour nous mais c’est bien peu…

Valérie Cornut, Specialisée en Pied Diabétique

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